Les énergies renouvelables et le théorème du clou
Par Michel Gay et Gérard Petit
Formatée par des messages si inlassablement repris que leur pertinence n'est plus remise en question, l’opinion hexagonale ne doute pas de l’impérieuse nécessité d’implanter massivement éoliennes et panneaux solaires, en substitut d’un nucléaire honni via les mêmes processus répétitifs et anesthésiants.
Dans un énoncé simple, le « théorème du clou » stipule que, frappé sans relâche, un clou ne remonte jamais…
Ainsi, marteler sans cesse la conscience de nos concitoyens avec les mêmes messages ciblés et manichéens, permet d’y inculquer subrepticement des idées simples et fausses qui servent de repères, voire de bases de raisonnement.
Sous ce processus répétitif, l’intelligence et l’esprit critique finissent par rendre les armes. Le conditionnement s’installe.
Par exemple : « il faut développer les énergies renouvelables ». Ce message répété à l’envi est devenu un tel mantra qu’aucun candidat à une élection ne peut manquer d’y faire non seulement référence, mais allégeance.
Peu en souligne la pertinence, ni les limites. La nécessité de développer les énergies renouvelables pour la production électrique en France, est pourtant, pour le moins, sujette à caution. Pourquoi ? Pour qui ?
Pour soutenir ce développement, de nombreuses raisons sont invoquées par les promoteurs des énergies renouvelables intermittentes (EnRI) : "le remplacement du nucléaire jugé dangereux, la substitution aux combustibles fossiles émetteurs de CO2, la performance économique, l’indépendance énergétique,… "
Pour certains, l’énergie nucléaire serait diabolique et aucun argument ne peut y faire pièce.
Pourtant, il est matériellement impossible de remplacer une énergie programmable et pilotable, telle que le nucléaire, par une énergie aléatoire et intermittente, sans lui adjoindre un moyen de secours souple. Ce dernier, compte tenu de la performance des EnRi et a puissance installée égale, produira à la place de l’éolien les trois quarts du temps, et du solaire les neuf dixièmes du temps !
Un tel schéma de réduction du nucléaire en France conduirait à devoir reconstituer un parc de centrales à gaz (voire au charbon). Adieu donc à la belle performance du système électrique actuel qui, à 95%, ne produit pas de gaz à effet de serre.
Même souci pour l’indépendance énergétique et économique. Le gaz et le charbon sont totalement importés, ainsi que les panneaux solaires et les éoliennes.
Réponse du berger renouvelable à la bergère atomique : « le nucléaire est totalement dépendant des importations d’uranium ». C’est vrai, sauf que, largement réparti sur la planète, le risque de déficience des producteurs d'uranium est mince, et que les réserves en combustibles sont de plusieurs années en France.
Par ailleurs, le part du minerai d'uranium est faible dans la quantité d'électricité produite (moins de 100 grammes par Français et par an), et dans son prix de vente (1%).
Pour mémoire, seul un gramme d'uranium est fissionné par Français et par an pour produire 75% de sa consommation d'électricité.
Autre antienne incontournable : « Le nucléaire produit des déchets à vie longue dont on ne sait pas se débarrasser ».
Prétendre qu’il n’y a pas de solution est inexact, et la quantité de déchets est particulièrement faible au regard de l’énergie produite. Les opposants devraient plutôt dire qu’ils n’acceptent pas les solutions proposées, car c’est leur ôter un argument contre le nucléaire.
Une autre affirmation contestable: « Le nucléaire est de plus en plus cher quand les prix des renouvelables baissent chaque jour ». Cette assertion ne compare pas le même service électrique rendu.
Le nouveau nucléaire et le durcissement des normes a effectivement conduit à faire évoluer certains des équipements existants et à en ajouter d’autres qui ont accru le coût de la production nucléaire.
Le coût du kW installé éolien baisse, à cause de l’augmentation des puissances unitaires et celui du solaire PV à cause de la performance des capteurs. Mais les limites basses sont presque atteintes.
Mais surtout, le coût de production de ces EnRi doit inclure celui du soutien "thermique" nécessaire pour pallier leur intermittence, ainsi que celui des multiples raccordements aux réseaux existants.
Globalement, le kWh nucléaire, même grevé de toutes ses servitudes de l’amont et de l’aval, reste largement compétitif.
Toutefois, le plus important est de considérer l’énergie électrique effectivement produite par les EnRi au regard des besoins. Durant les mois de novembre et décembre 2016, la couverture par les EnRi (éolien + solaire) a été de moins de 4% des besoins. Cette contre performance n’a pas empêché leurs partisans de présenter cette contribution comme ayant évité le black-out du réseau. Ceci est parfaitement inexact, les apports se faisant au bon gré du soleil et du vent et non en fonction des besoins. Par contre, il est juste de dire que l’énergie produite alors, a permis d’économiser, en proportion, gaz, charbon et fioul. Mais à quel prix ?
Quant au démantèlement des réacteurs et des usines du cycle, l’opinion est désormais convaincue : « qu’il s’agit d’un exercice technique extrêmement délicat et d’une bombe financière à retardement». Nos politiques ont affirmé qu'en fermant Fessenheim, les tâches de démantèlement des installations pourraient occuper une force de travail équivalente à celle des personnels du site, préservant ainsi l’emploi local.
Rien n’est vrai dans une telle présentation.
Il est étonnant qu’à l’ère où l’esprit critique est célébré, « des idées toutes faites » continuent leur chemin sans être remises en cause. Les méfaits du « théorème du clou » se répandent.
Malheureusement, cette passivité est fort dommageable pour les Français puisqu’elle permet l'avancée d'options qui malmènent l'économie et l'écologie.