L’hydrogène : la triple peine pour le consommateur
Par Michel Gay
L’engagement incroyable de la France de 7 milliards d’euros dans un plan hydrogène constitue une faramineuse gabegie d’argent public dont vont se gaver les industriels et autres « start-ups » qui profiteront de l’aubaine pour un résultat prévisible nul.
Le coût pour la collectivité
Selon RTE, le prix de l’hydrogène décarboné produit par électrolyse apparaît toujours supérieur à celui issu du méthane (par la technique du vaporeformage), même en tenant compte d’une baisse de coût importante des électrolyseurs. Le développement de la filière sera donc dépendant de l’évolution de la fiscalité et du soutien public.
Avec une taxe du CO2 fixée à 30 euros par tonne (30 €/t), le coût complet de l’électrolyse apparaît encore très supérieur à celui du vaporeformage du méthane (c’est la raison pour laquelle l’hydrogène utilisé aujourd’hui est d’origine fossile).
En revanche, une forte taxe sur le carbone, par exemple de 375 €/t à l’horizon 2035, rendrait l’hydrogène issu du méthane plus coûteux que l’électrolyse.
Mais qui va payer la multiplication par 12 de cette taxe pour renchérir artificiellement le produit final ?
Le contribuable-consommateur bien sûr !
Or, paradoxalement, l’augmentation du prix du carbone sur le marché européen défavorise l’hydrogène bas-carbone par rapport celui issu d’énergies fossiles.
En effet, le prix de l’électricité (qui émet du CO2 pour sa production en Europe) dépend fortement du prix du CO2. Et son augmentation conduit finalement à pénaliser la production d’hydrogène bas carbone par électrolyse… grande consommatrice d’électricité.
L’hydrogène : pourquoi faire ?
Au-delà de son utilisation efficace comme intrant dans des procédés industriels, certains utopistes cherchent à utiliser l’hydrogène produit par électrolyse comme un « vecteur énergétique propre » qui succèderait au gaz et au pétrole dans la mobilité à condition qu’il soit produit par des sources d’électricité décarbonées.
Il peut également être utilisé pour réduire les émissions du système gazier, aujourd’hui responsable d’environ 100 MtCO2/an en France (contre environ 20 MtCO2/an pour le secteur électrique) selon trois modes :
- en le mélangeant au méthane dans les réseaux de gaz naturel, dans des proportions faibles (de 6 % à 20 % en volume, soit 2 à 7 % en énergie car à la pression atmosphérique le méthane contient 11 kWh/m3 tandis que l’hydrogène ne contient que 3 kWh/m3, soit trois fois moins),
- en le transformant en méthane de synthèse à l’issue d’un processus de méthanation nécessitant l’ajout de CO2 : ce méthane de synthèse présente alors les mêmes caractéristiques que le gaz naturel et peut être injecté sans limitation dans les réseaux publics de transport et de distribution de gaz,
- en convertissant le réseau (ou une partie) à l’hydrogène pur et en adaptant les équipements finaux (chaudières…).
Toutefois, mis à part le socle que constitue la demande d’hydrogène pour des usages industriels, il n’existe pas de consensus sur la place à long terme de l’hydrogène bas carbone dans les scénarios de décarbonation massive.
La solution de stockage de l’électricité en hydrogène pour reproduire de l’électricité (« power-to-gas-to-power ») est pénalisée par son faible rendement énergétique :
- La boucle de transformation de l’électricité en hydrogène, puis éventuellement en méthane de synthèse pour être stocké, pour enfin être retransformé en électricité via une centrale de production au gaz a un rendement de 25%.
- Celle passant par la pile à combustible (ou une combustion directe de l’hydrogène dans des turbines si cette solution démontre sa faisabilité technologique) a un rendement à peine meilleur d’environ 35%.
Injection d’hydrogène et triple peine
L’injection d’hydrogène dans le réseau de gaz naturel a été étudiée en 1976 dans le cadre du groupe de travail hydrogène créé par Michel d’Ornano, alors ministre de l’industrie et rapidement rejetée car la capacité thermique de l’hydrogène est trois fois moindre que celle du gaz naturel.
La proposition d’introduire de nouveau de l’hydrogène dans le réseau gazier est une mauvaise idée en raison de la propension de ce gaz à fuir à travers les canalisations et de sa capacité calorifique volumique… trois fois inférieure à celle du méthane !
Une telle décision reviendrait à infliger aux consommateurs une triple peine :
- un produit coûteux de moindre qualité calorifique,
- de ce fait, une consommation plus élevée,
- et donc des factures de gaz incluant l’hydrogène plus élevées pour payer le développement de cette filière non viable économiquement sans de monstrueuses subventions.
La voie hydrogène est une ruineuse impasse à fuir d’urgence, et les 7 milliards d’euros prévus par le gouvernement pour son développement constituent un épouvantable gâchis de fonds publics !