Il y a quelque chose de pourri au royaume du journalisme

Par Jean-Claude Artus et Michel Gay

Principe de précaution 

Pour conjurer la peur de l’avenir, quelques technocrates tourmentés n’ont su qu’inventer le fameux « principe de précaution ». Ce concept qui peut paraître séduisant dans un premier temps, est maintenant devenu un « principe » contraignant décliné de manière idiote dans tous les domaines et il conduit aux pires inepties. Tout au plus devrait-il être une méthode, mais en aucun cas un « principe » avec lequel notre société tisse la corde pour se pendre !

La peur du futur fait oublier les nombreux bénéfices du progrès que nos aïeux ont adoré. Aujourd’hui, le principe de précaution est trop souvent utilisé comme une arme contre la nouveauté.

Pour le public, il équivaut au risque « zéro », ce qui est insensé, et conduit à redouter le fruit de la recherche.

La lâcheté des politiques qui n’auraient, pour prendre des décisions, que les sondages d’opinion et des « apôtres de l’inquiétude » a dénaturé la part d’incertitude scientifique en un « principe de précaution » constitutionnel mal interprété puisque devenu synonyme de « risque zéro ».

Il est devenu le principe de l’inaction, y compris dans la recherche, notamment pour les organismes génétiquement modifiés (OGM) !

Ces nouveaux maîtres à penser se sont substitués aux religions.

Écarter les « sachants »

Étonnamment, les sociétés savantes scientifiques et médicales s’occupant des risques sanitaires ont été oubliées par les médias pendant les émissions sur le COVID par exemple. Comment aborder les problèmes de santé et le risque écologique, souvent évoqués, sans représentants de la communauté scientifique et médicale ? Cette aberration choquante ne semble gêner personne.

Globalement, il ressort des déclarations des alarmistes patentés assénant des chiffres sans possibilité de vérifications que, par exemple, la responsabilité d’un accident nucléaire incomberait à la déviance éthique des scientifiques et des industriels. Ces derniers, taxés de cyniques profiteurs, n’hésitant pas à hypothéquer l’avenir des générations futures pour les avantages de quelques riches privilégiés.

Dans ces « débats », médiocres, le lobby nucléaire est mis en accusation devant le tribunal de l’Histoire, et jeté en pâture à la vindicte populaire. Les pouvoirs publics, les scientifiques et les industriels sont le plus souvent traités d’inconscients.

Tous ces reportages vus à la télévision « jouent » sur l’émotion. Et pour le public les images impressionnantes sont plus importantes que la synthèse des rapports scientifiques internationaux et les publications de la communauté scientifique que les journalistes s’obstinent à ignorer.

Les centaines de milliers de cancers de Tchernobyl annoncés chez des adultes par les diverses associations antinucléaires ne sont qu’une pure affabulation malveillante.

Certaines « victimes » ont même été des otages d’aigrefins dont les médias se sont faits les complices… par bêtise et aussi par intérêt… « pour l’audimat ».

Quand les explications d’une communauté scientifique contredisent le matraquage médiatique, elles deviennent suspectes... Les journalistes ont une grande responsabilité dans le désamour de la société pour la connaissance scientifique. Ils relaient, sans pudeur ni esprit critique, les gesticulations d’associations partisanes incompétentes qui préfèrent exploiter l’émotion des citoyens.

Bienvenue au pays de l’obscurantisme !

Faudrait-il donc proposer à nos enfants de ne plus croire dans le génie humain pour trouver des solutions, de ne voir dans la science que les causes de l’apocalypse annoncée ?

L’émotion fait vendre

L’émotion n’attend pas, la démesure se consomme chaude. L’outrance est à consommer avant qu’elle ne retombe, comme un soufflé de fromage. Il s’agit d’effrayer par des déclarations péremptoires d’incultes qui ne cherchent ni à s’instruire, ni à comprendre, préférant patauger dans le misérabilisme et délirer sur des notions qu’ils ne maîtrisent pas.

La corporation des journalistes reste trop timide devant le diktat de ces nouveaux obscurantistes et de certains confrères.

Comment identifier les centaines de milliers de cancéreux qui seraient dus à la radioactivité, en raison du caractère insidieux du risque ?

Comment informer sans faire faussement croire que chacun va assister inexorablement à sa décrépitude jusqu'à la mort par cancer ?

Les journalistes ont-ils le droit de « jouer » à de tels niveaux avec l’émotion du public ?

Instiller la peur, et même la terreur, sur de possibles conséquences d’activités nucléaires industrielles est un parti pris douteux et malsain.

La responsabilité du journaliste est engagée lorsqu’il accepte d’être complice des sous-entendus inquiétants, voire des déclarations alarmistes des associations. C’est bien lui qui retransmet volontairement ces propos mal argumentés, et souvent mensongers, qui participent à l’information spectacle, contrairement à la Charte de Munich indiquant les droits et devoirs des journalistes.

Les associations qui se disent « indépendantes » ont-elles la compétence des spécialistes ? Mais le journaliste, tout aussi incompétent sur la technique, veut se mettre dans la peau du simple citoyen : il se retrouve plus aisément dans les propos simplistes de l’associatif que dans ceux du spécialiste.

Mais ne se trompe-t-il pas ? Assure-t-il ainsi la qualité de l’information ?

Dérapages et outrances

De tels dérapages ne sont plus des outrances occasionnelles. C’est devenu la règle du jeu médiatique dans le système du « toujours plus » ... vers le bas de l’échelle des valeurs : plus de spectacles racoleurs, plus de mise en scène, plus d’incompétence chez les invités, plus de surenchère dans la démesure, plus de dérision avec, en définitive, encore plus de médiocrité et de mensonges…

Les « reality show », sont des émissions utiles et nécessaires de divertissement, menées par des saltimbanques amuseurs publics, et qui doivent être considérées comme telles, quel que soit leur degré de sottises distrayantes.

Mais pour traiter les informations qui concernent l’ensemble de la population, l’irresponsabilité des journalistes qui se moquent des « braves gens » est devenue odieuse.

Ainsi, pour parler du risque sanitaire dans le domaine du nucléaire par exemple, et pour répondre aux questions du public, il n’y a souvent pas le moindre spécialiste capable de situer la nature et l’importance du problème, pas le moindre médecin spécialiste des radiations… On croit rêver mais c’est la réalité.

Où est le contrôle de l’information, où est la qualité des sources ? Et cette médiocre réalité contribue constamment à forger l’opinion publique…

Comment changer les choses sans braquer le lobby médiatique parisien proche des milieux politiques et économiques. « Toute vérité n’est pas bonne à dire… »

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est là pour faire respecter les critères, péniblement établis, d’impartialité en politique, et la protection des enfants, mais pas pour le contrôle de qualité du travail des journalistes.

Aujourd’hui la seule règle qui prévaut, c’est l’audimat, pour ajuster les tarifs des encarts publicitaires sur les chaînes de télé et, pour la presse écrite, le nombre de tirages pour ne pas mourir…

Parfois, à la fin d’une émission télévisée, le résultat est une tromperie avérée pour des millions de téléspectateurs.

Par exemple, le décalage scandaleux entre les affirmations des associations (diffusées par les médias) et les conclusions contraires des spécialistes sur les effets du fameux « nuage de Tchernobyl » qui serait responsable d’un excès de cancers de la thyroïde en France est un pur mensonge. Jamais un spécialiste, un endocrinologue, ou un médecin nucléaire n’a pu le dire ni l’argumenter à la télévision ou dans la presse. C’est sidérant ! Plus les rumeurs étaient délirantes plus elles devenaient crédibles.

Des slogans d’associations, aux objectifs sont souvent flous, tournaient en boucle pour paniquer la population pour les besoins de l’audimat…

Où est passé le journalisme d’investigation ?

Des médecins écœurés se voient refuser l’accès aux médias. Sans doute que leurs explications « scientifiques » ne procurent pas suffisamment d’émotion et ne font pas assez d’audience. Les journalistes d’émissions à sensation n’ont pas besoin d’eux pour informer : qu’ils restent donc dans les hôpitaux pour soigner les patients !

Certains journalistes sont même devenus méprisables parce qu’intellectuellement malhonnêtes. Sous prétexte de garder leur liberté, ils n’ont plus de déontologie et se vendent à l’audimat !

Mais il est difficile de décréter une révolution dans cette sphère médiatique qui s’autoprotège. Ils font leur miel avec les propos outranciers des « associations » qui n’existent que par le crédit et la publicité qu’ils leur apportent en parlant d’elles.

Les prédictions délirantes des médias.

La société évolue et les excès inacceptables des mauvais journalistes les déshonorent. Le pouvoir des médias est devenu plus important que celui du politique, de l’économique, et de la justice !

Il agit sur les autres pouvoirs par son influence sur l’opinion publique. Sa responsabilité est énorme.

Lorsque l’émotion cache l’information, lorsque des slogans d’associations sont utilisés afin de paniquer la population pour les besoins de l’audimat et de la publicité, alors le journalisme se prostitue pour produire des spectacles minables et honteux.

Honte à eux de ne pas assumer leur responsabilité, de refuser leur déontologie sous prétexte qu’elle limiterait leur sacro-sainte liberté d’expression et de la presse !

Qu’ont-ils de journalistes ces animateurs vedettes de magazines d’information ressemblant davantage à des vedettes animant des shows « people » ayant pour seul objectif d’assurer l’audimat par la provocation.

La formation continue est partout jugée indispensable, sauf dans le journalisme ?

La seule charte de Munich est bien trop sommaire. L’éthique personnelle du journaliste ne peut suffire seule, alors qu’il est partout question de procédures et d’assurance qualité.

Les problèmes fondamentaux du monde (santé, production propre d’énergie, agriculture, …) sont devenus de plus en plus techniques et scientifiques. Un minimum de formation est nécessaire pour les aborder.

Les médias sont-ils crédibles ?

L’information sur le nucléaire et la production d’énergie est le plus souvent un tissu de bêtises puisées directement dans les nombreuses associations « indépendantes » qui prétendent tout imaginer !

N’est-il pas préférable de s’adresser à ceux qui « savent » plutôt qu’à ceux qui prédisent des conséquences invraisemblables dans leur boule de cristal teintée de leurs convictions politiques ou idéologiques ?

Dans les domaines complexes, si les journalistes sollicitaient plus souvent les scientifiques et les médecins, peut-être seraient-ils plus proches de la vérité. En revanche, ces derniers s’exprimer plus clairement et succinctement.

Le fil conducteur de certaines émissions est une succession de provocations entrecoupée de reportages pour argumenter la contradiction et soutenir le point de vue du journaliste en menant une attaque en règle contre l’invité qui subit une mise à mort médiatique.

Lorsque le téléspectateur est pris au piège de l’émotion, il risque d’en perdre la raison.

Pour imaginer des solutions, les construire, les mettre en place, des ingénieurs, des scientifiques, des techniciens sont nécessaires. Mais pour parler des risques technologiques à quelques millions de téléspectateurs, où sont les spécialistes, les scientifiques, les médecins ?

Certes, les scientifiques ne savent souvent pas bien communiquer. Mais les médias ne font pas beaucoup d’efforts non plus pour assimiler les informations scientifiques.

Les solutions

Les solutions passent par la collaboration entre les scientifiques, les médias, et les associations de bonne volonté.

Les médias forment l’opinion et sont les piliers de nos temples de la consommation. Ils font et défont les politiques qui sans les journalistes, n’existeraient pas. Mais surtout, ils sont à l’origine de la perception des risques pour notre société.

Or, les conséquences sanitaires dues à la perception d’un risque peuvent être plus graves que celles du risque lui-même ! Les journalistes, par incompétence, contribuent à creuser le fossé entre la population et le monde de la science.

Certaines associations, craignant que la science contredise leur idéologie, s’opposent par des actions illégales qu’ils jugent « citoyennes » aux expérimentations comme, par exemple, les « faucheurs citoyens d’OGM ».

L’image dévoyée de la science et de la recherche, relayée complaisamment par les journalistes, finit par s’imposer au public qui a peur de risques imaginaires.

Une absence de risque ne peut jamais être démontrée par un raisonnement scientifique !

De multiples études n’ont pas mis en évidence la moindre augmentation de cancers : est-ce une preuve ? Soit il n’y a pas d’augmentation, soit elle est tellement faible qu’elle se perd dans la multitude des autres causes.

L’ennui pour les journalistes qui veulent de l’émotion et des certitudes, c’est que les scientifiques ne sont jamais sûrs de ce qu’ils avancent (sinon ils deviendraient aussi dangereux que les groupes idéologiques qu’ils dénoncent).

Les solutions passent peut-être par des modifications de nos habitudes, mais plus certainement encore par la recherche, la science et la technique qui devraient inspirer davantage confiance.

Encore faut-il que nos décideurs, les journalistes, et avec eux le public, incitent à avoir confiance en la connaissance, expression du génie humain, pour le bien être des prochaines générations.

Ne pas être dupe

Il ne faut pas être dupe. Le problème de fond du journalisme est l’absence de contre-pouvoir à ce « quatrième pouvoir ». C’est quasiment la seule profession à ne pas être régie par un « ordre », comme celui des avocats, des médecins, afin que, semble-t-il, les journalistes puissent garder leur indépendance… Mais il ne faut pas se voiler la face.

Quant à la charte de Munich que beaucoup de journalistes ne connaissent même pas, elle a vieilli et n’offre aucune garantie de son application.

Réunir des chanteurs populaires qui, hors de leur art, sont le plus souvent bien naïfs, et des sportifs dont les talent de champions n’en font pas des maîtres à penser, donne un cocktail de pensées médiocres qui conduit à croire que ce qui est incompréhensible est dangereux, ou n’existe pas !

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