Une agence gouvernementale perd le « M » de sa « maîtrise ».

Par Michel Gay et Jean-Luc Salanave

L’Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME), rebaptisée « Agence de la transition écologique » en 2020, s’interroge sur la capacité des énergies renouvelables à satisfaire le besoin en électricité dans son opuscule paru le 4 mars 2025 (« Energies renouvelables et flexibilité : le duo gagnant de l'électricité de demain ? »).

Cette agence gouvernementale, censée maîtriser l’énergie, l’a-t-elle jamais maîtrisée autrement qu'en l'arrosant d'argent public et en prenant ses rêves pour des réalités ?

Duo gagnant ou duo perdant ?

Selon l'ADEME, la future flexibilité électrique devrait être « la capacité à adapter la consommation d’électricité en fonction des fluctuations de l’offre et de la demande »

Serait-ce un signe de son manque de maîtrise (le "M" de ADEME) des réalités énergétiques ?

L'ADEME, notoirement antinucléaire, a déjà perdu la maîtrise des réalités physiques  sans perdre toutefois celle de la désinformation.

Elle a osé afficher sur son site, pendant un temps, sans aucune vérification, une empreinte carbone de 66 grammes de CO2 par kilowattheure (kWh) pour l'énergie nucléaire. Devant les protestations des scientifiques, elle a ensuite rectifié à 6,6 grammes de CO2 (en prétextant l'oubli de la virgule), avant de publier, enfin, le chiffre exact de 3,7 grammes de CO2/kWh.

Dans une fiche d’information destinée à l'éducation nationale, l'ADEME classait « par erreur » (involontaire ?) le nucléaire parmi les énergies fOssiles (à l'instar du gaz naturel, du charbon et du pétrole ...) au lieu de fissile (l’énergie de fission n’émet pas de CO2) pour mieux embrouiller la tête des enfants (voir l’infographie de l’ADEME en annexe où le minerai uranium est mis dans la case des énergies fossiles).

Cette fois, selon l'ADEME, la « flexibilité » de la consommation pourrait rendre enfin gagnantes les énergies renouvelables intermittentes du vent et du soleil (EnRI). Mais gagnantes pour qui ?

Un marché, c'est une demande avec en face une offre. Sauf situation de pénurie, l'offre s'adapte à la demande. Cette dernière peut fluctuer (été/hiver ou jour/nuit) et la flexibilité de l'offre y répond. De tout temps, le client est censé être roi. Des stocks peuvent aider à gérer cette flexibilité.

Pour les productions peu stockables à un coût acceptable, comme l'électricité, l'offre doit être adaptée à chaque instant, au risque de voir le système électrique s'effondrer. Cet exploit est accompli par les producteurs fiables d'électricité possédant des moyens de production ajustables aux fluctuations.

La flexibilité pour qui ?

Or, l'ADEME voudrait que la flexibilité change de camp pour pouvoir insérer « de force », au chausse-pied, les EnRI dans le réseau d’électricité. Ce serait aux consommateurs particuliers et industriels de s'adapter à une production d’électricité subie ne correspondant pas à leurs besoins, et que l'ADEME aimerait quand même leur faire acheter.

Un lavage de cerveau publicitaire peut aider à faire accepter cette curiosité au cri de « Vous ne le savez pas encore, vous croyez ne pas en avoir besoin, mais cette électricité intermittente des EnRI est bonne pour vous ! ».

L'électricité solaire est déjà majoritairement exportée à perte chez nos voisins à un prix inférieur à son coût de production (101,3 TWh d'exportations brutes françaises d'électricité 2024 pour 5,9 milliards d'euros, soit 58€ par mégawattheure (MWh)), confirmant son inutilité pour le consommateur français. Et le solaire photovoltaïque pourrait encore voir sa puissance installée multipliée par quatre selon le délirant projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3).

Selon RTE (Réseau de transport d’électricité), la plus grande part de notre production éolo-voltaïque est consommée par nos voisins.

Selon une étude Cérémé/PNC présentée au Sénat le 10 mars 2025, annuler la PPE3 éviterait de multiplier encore par trois ou quatre nos capacités solaires et éoliennes futures et ferait économiser 300 milliards d'euros à la France.

Par ailleurs, RTE a été montré du doigt par la récente commission sénatoriale sur les prix de l'électricité pour avoir offert la gratuité de raccordement aux investisseurs éoliens offshore. Et également pour son plan à 100 milliards d'euros (dont 37 milliards pour l'éolien offshore) qui s'ajoutent aux 96 milliards réclamés par ENEDIS, pour raccorder les dizaines de milliers de sources solaires et éoliennes terrestres à venir. RTE est soupçonné de vouloir élargir ainsi son « fonds de commerce » en renchérissant le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité) payé par les consommateurs.

Une production solaire décalée

Le solaire photovoltaïque produit trois fois plus en été qu'en hiver où se concentrent pourtant les pointes de consommation électrique. Qu’à cela ne tienne, selon l'ADEME, l’activité économique (qui ralentit en été) et le consommateur devront s'adapter. Faudra-t-il donc se chauffer en été ou installer davantage de climatiseurs ?

Ainsi, l'énorme production estivale d'électricité solaire suggèrerait de faire tourner les usines l'été et de déplacer les vacances vers l'hiver !

A moins que les week-ends de grands départs en voitures électriques puissent consommer l'excédent solaire estival ?

Comment s'adapter à ces EnRI si ce n'est en obligeant les artisans, les PME, et les citoyens en général à ne travailler, s'éclairer et se chauffer, que lorsqu’il y aura du vent et du soleil ? Pourquoi pas !?

Le consommateur aura-t-il le choix entre un contrat électrique « flexible, d'origine intermittente garantie », et un autre « permanent et garantie, d’origine pilotable (notamment nucléaire) ? ».

Une agence sous influence « verte »

L'ADEME, pourtant critiquée depuis des années pour son manque de maîtrise des priorités environnementales et énergétiques, sévit toujours, bien vivante, avec ses plus de mille équivalents temps plein et un budget de près de 4 milliards d’euros, malgré certaines actions nuisibles pour la France.

Comme a-t-on pu créer en 1990 une telle agence qui veut détruire ou, au minimum, ne sait pas promouvoir les avantages écologiques du nucléaire ? Cette dernière est pourtant la première source d’énergie en France et son potentiel est énorme, y compris dans la chaleur décarbonée.

Le soutien idolâtre et sans justification scientifique de l’ADEME aux EnRI inutiles, et mêmes néfastes à l’économie de la France, prive ainsi les autres énergies renouvelables et décarbonées utiles (géothermie, pompes à chaleur, biomasse et hydraulique) d'une partie des subventions publiques payées par le contribuable.

Le refus de l'ADEME de communiquer les données scientifiques justifiant les économies de CO2 liées à l'éolien vient de faire l'objet d'une requête déposée par la Fédération Environnement Durable (FED) devant le Tribunal Administratif de Nantes.

Faudra-t-il un réveil citoyen encore plus radical que celui des gilets jaunes pour dénoncer l'incurie qui s'est installée dans nos administrations, particulièrement dans l’ADEME utilisant l’argent public pour ajouter des coûts et toujours plus de contraintes ?

La France détient le record des dépenses publiques et des règlements contraignants. A cause d’un principe de précaution mal rédigé dans sa constitution, elle est aussi championne des peurs irraisonnées et a peur des problèmes autant que des solutions !

L'ADEME doit retrouver sa maîtrise de l’énergie et arrêter de marcher sur la tête ! ...

 

Annexe

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