Lettre à la Présidente de la Commission européenne
Par Michel Gay
Lettre ouverte d’un simple citoyen d’un Etat membre de l’Union européenne,
à Madame Ursula Von der Leyen,
Présidente de la Commission européenne
Madame la Présidente,
En tant que simple citoyen de l’Union européenne (UE), je vous demande de bien vouloir modifier la politique énergétique de la Commission européenne, actuellement fondée sur un parti-pris idéologique antinucléaire, afin de la recentrer vers deux priorités :
- 1) La diminution de la consommation des énergies fossiles pour lutter contre le réchauffement climatique, grâce principalement à un nucléaire durable ;
- 2) La sécurité d’approvisionnement des États membres de l’UE.
En effet, alors qu’un consensus s’est établi en Europe pour utiliser l’électricité à la place des énergies fossiles partout où cela est possible afin de décarboner nos sociétés, les actions engagées au niveau européen ne sont pas à la hauteur des enjeux. L’idéologie antinucléaire de quelques organisations et États membres l’emporte sur l’efficacité pour maîtriser les émissions de CO2, relancer l’industrie, et prendre en compte l’intérêt du citoyen européen.
Ainsi, contre toute logique, le projet de « Delegated Act on hydrogen » de la Commission européenne centre la politique électrique européenne sur un développement exclusif, massif et coûteux des énergies renouvelables intermittentes (EnRI) qui conduira à de graves problèmes industriels et à des désordres sociaux.
Pour éviter ce désastre, des réformes structurelles doivent être mise en œuvre rapidement. Il s’agit de développer la production d’électricité nucléaire durable bas carbone, économique, et disponible en continu au niveau requis, en substitution aux énergies fossiles.
Trois dossiers à traiter
Trois dossiers actuels de la politique énergétique de la Commission européenne doivent être traités :
Dossier n°1 : L’hydrogène et l’électricité nucléaire décarbonée
Le Projet de Règlement Délégué (publié par la Commission en février 2023) proposant des règles pour la production d’hydrogène par électrolyse (nécessitant beaucoup d’électricité) est ambigu.
Il évoque bien (Article 4 point (2)) la possibilité d’une production bas carbone d’hydrogène à partir d’électricité d’origine nucléaire. Mais, le point (a) de cet article indique « par des installations produisant de l’électricité renouvelable »… et le nucléaire n’en fait pas partie !
En effet, le nucléaire ne figure pas dans la liste des installations produisant de l’électricité renouvelable !
(L’Article 2 point (3) renvoie à l’Article 2 point (1) de la Directive UE 2018/2001 qui établit cette liste exhaustive…).
Cette situation ambiguë provient de l’incapacité de la Commission européenne à se prononcer clairement en faveur du climat, et donc du nucléaire. Toute proposition concernant le climat devrait prendre en compte en priorité le caractère décarboné de la production d’électricité nucléaire.
Or, ce n’est pas la ligne de la Commission européenne qui privilégie systématiquement les productions renouvelables intermittentes alors que la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la plupart des pays européens qui ont fait ce choix est médiocre.
Pourtant, en vertu du principe de subsidiarité du Traité de l’Union européenne (Article 5, paragraphe 3), le choix des technologies à exploiter est du ressort des États membres en fonction de leurs ressources, et non de la Commission européenne.
Dossier n°2 : sortir des paris hasardeux
La Commission européenne tourne le dos à ses engagements climatiques et s’enferme dans des paris technologiques hasardeux et coûteux.
L’hostilité constante de la Commission, et d’une minorité de pays vis-à-vis du nucléaire, a contraint onze États Membres, à l’initiative de la France, à présenter au Conseil de l’Energie une déclaration rappelant la nécessité d’une prise en compte du nucléaire comme contributeur essentiel à un futur mix énergétique bas carbone.
Le nucléaire actuel, et le nucléaire durable de quatrième génération utilisant 100 fois mieux la ressource uranium, devraient être présents dans toutes les réglementations européennes en faveur du climat.
Or, il en est actuellement absent.
Dossier n°3 : La réforme du marché de l’électricité
La réforme partielle du marché de l’électricité, en préparation, se focalise sur l’incapacité du marché à donner des signaux de long terme pour les investissements intensifs en capital (nucléaire et renouvelables). C’est bien mais c’est insuffisant.
En effet, l’organisation du marché européen nécessite une réforme de fond compte tenu de la diversité des moyens de production de l’électricité et de leurs coûts très différents d’un pays à l’autre.
L’actuelle organisation du marché n’est pas satisfaisante car elle est inéquitable. elle conduit à faire supporter les conséquences économiques désastreuses résultants des mauvais choix de certains État aux autres pays membres. Les impacts du prix du gaz doivent être contrés par des moyens autres que par des « chèques énergie », et la priorité d’accès au réseau électrique accordée aux EnRI doit être supprimée.
En effet, le « coût marginal nul » annoncé des EnRI ne prend pas en compte les coûts supplémentaires associés à la compensation de leur intermittence, actuellement supportés par les producteurs utilisant des moyens pilotables, ni les surcoûts du réseau liés à la décentralisation de la production et payés directement par les consommateurs.
Or, ces coûts supplémentaires volontairement masqués et ignorés deviendront de plus en plus importants avec la mise à l’arrêt de dizaines de centrales à charbon / lignite, et même nucléaires. Cette évolution diminuera la pilotabilité du mix électrique et augmentera les besoins de compensation par tous les autres moyens pilotables coûteux (gaz, stockages par batteries, effacements, flexibilités, etc.). Ces coûts supplémentaires devraient s’ajouter aux coûts directs des moyens intermittents.
En conséquence…
Pour une transition énergétique réussie vers une société décarbonée, la Commission européenne doit préparer une réforme de fond, dont les deux priorités sont la lutte contre le changement climatique et la sécurité d’approvisionnement.
A cet effet, il est nécessaire de développer massivement une électricité décarbonée pilotable, compétitive, et européenne, fondée essentiellement sur l’hydraulique et le nucléaire de transition avec la troisième génération en développement, puis durable avec la quatrième génération.
L’ambition européenne doit évoluer vers une politique conforme à l’Article 194.2 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, et au Traité Euratom. La Commission européenne ne doit plus se laisser manipuler par la politique antinucléaire aveugle de quelques États membres qui met en danger l’unité européenne.
J’espère, Madame la Présidente, que dans un souci de gestion durable des ressources et de préservation de l’environnement vous serez sensible à ce plaidoyer pour le nucléaire actuel et futur à l’échelle européenne qui aidera la transition énergétique vers la décarbonation de l’économie, et que vous corrigerez la situation actuelle afin de restaurer la crédibilité de la Commission européenne.
Je vous prie, Madame la Présidente, d’agréer l’expression des respectueux hommages d’un simple citoyen européen.