La France ne doit pas lâcher la proie nucléaire pour l’ombre du gaz russe
Par Bernard Durand et Michel Gay
Un mensonge d’Etat et une collusion d’intérêts financiers et politiques ont réussi à persuader une grande partie de l’opinion publique que le développement des sources intermittentes d’électricité éolienne et solaire photovoltaïque (PV) était indispensable pour faire face efficacement au réchauffement climatique.
Or, c’est faux mais chacun le répète à qui mieux mieux, faute de compréhension du sujet.
Mensonges ?
Il s’agit là d’une imposture entretenue soigneusement depuis des années par les promoteurs de l’éolien et du PV, ainsi que par des « investisseurs » et des politiques y trouvant leur intérêt financier ou électoral, et malheureusement par l’État, pour mystifier et faire payer les Français en leur imposant des projets subventionnés et ruineux. Non seulement le développement des éoliennes et des panneaux photovoltaïques ne réduira pas les émissions de CO2 de la production d’électricité française, mais il aboutira au résultat inverse.
En Europe, ces émissions sont liées principalement à la part dans le mix électrique de l’électricité produite avec du charbon et du gaz, environ 450 g par kWh pour le gaz et 1000 g pour le charbon.
Diminuer les émissions de CO2 de la production d’électricité revient donc pour l’essentiel à diminuer les proportions de charbon et de gaz dans les mix électriques.
Mais l’éolien et le PV qui émettent respectivement environ 15 g et 50 g de CO2 par kWh ne peuvent guère les faire diminuer en Europe dans les pays qui utilisent déjà peu les combustibles fossiles (Autriche, France, Norvège, Suède et Suisse), et dont le mix électrique est composé surtout d’énergie nucléaire et d’hydroélectricité. En effet, ces dernières émettent encore moins de CO2 par kWh (5 à 10 g en France) que l’éolien et le solaire qui nécessitent de plus des centrales d’appoint à charbon ou à gaz pour combler les jours sans vent et sans soleil.
Nos gouvernants qui font tout actuellement pour promouvoir ces électricités intermittentes au détriment de l’environnement cachent le plus possible ces faits à l’opinion. Ils se préoccupent semble-t-il davantage des intérêts des promoteurs de l’éolien et du solaire que de ceux des citoyens. De nombreux politiciens participent aussi à cette mascarade. Ils profitent de l’ignorance des Français pour dilapider l’argent puisé dans leurs poches au profit d’industriels heureux de profiter de cette manne publique garantie par contrat et aussi pour verdir leur image.
S’agit-il de tondre un chauve ?
Les promoteurs industriels et de très nombreux « politiques » assènent sans cesse à l’opinion que, grâce à l’éolien et au solaire photovoltaïque, la France fera face à l’urgence climatique. C’est une mystification entretenue par le manque de connaissances de l’opinion publique sur ce sujet.
Il est même criminel de faire croire qu’investir en France dans ces sources intermittentes d’électricité est bon pour le climat, alors que c’est exactement le contraire.
Le développement de l’électricité éolienne et photovoltaïque a eu jusqu’ici peu d’effet sur la diminution des émissions de CO2 de la production d’électricité européenne, en particulier en Allemagne. Cette dernière utilise surtout le charbon et le lignite (variété de charbon émettant le plus de CO2 et de polluants atmosphériques) pour pallier l’intermittence de l’éolien et du PV et pour remplacer son nucléaire. Ses émissions restent parmi les plus importantes d’Europe. Ce pays figure parmi les pays dont l’électricité produit le plus de CO2 et de polluants atmosphériques en Europe, et il le demeurera tant qu’il s’entêtera dans cette politique.
Ainsi le graphique ci-dessous montre qu’en Allemagne la proportion dans le mix électrique d’électricités intermittentes (ElRi), c’est-à-dire d’éolien et de solaire PV, a fortement augmenté de 2003 à 2017 (dépassant 20%), tandis que ses émissions de CO2 (en noir) diminuaient à peine !
Sources: International Energy Agency (IEA), et European Environment Agency (EEA).
Partout en Europe, c’est le remplacement progressif du charbon par le gaz qui joue le plus grand rôle dans la diminution des émissions de CO2 de l’électricité, et non le développement des électricités intermittentes. Car la combustion du gaz émet presque 40 % moins de CO2 que le charbon (incluant le lignite) pour une même quantité d’énergie produite. De plus, le rendement électrique (de l’ordre de 50 %) des centrales à gaz est meilleur que celui des centrales à charbon (environ 35%).
En France aussi, comme le montre le graphique ci-dessous, la diminution des (faibles) émissions de CO2 (en noir) est due jusqu’en 2011 essentiellement à une fermeture progressive (et autoritaire) des centrales à charbon et à gaz, alors que l’éolien et le solaire PV sont encore peu développés. A partir de 2014 , la production d’électricité à partir de gaz réaugmente. Il n’y a plus de diminution significative des émissions de CO2, alors que les puissances éoliennes et solaires installées augmentent considérablement
Sources : Statista, RTE, Agence européenne de l’environnement (EEA).
L’Allemagne prétend maintenant vouloir éliminer le charbon d’ici 2030. C’est une fausse promesse car elle a encore des réserves abondantes de lignite qui représentent sa sécurité énergétique. Mais elle utilisera cependant de plus en plus le gaz. Et c’est ainsi que l’Allemagne va faire enfin baisser significativement ses émissions, pas en augmentant encore sa proportion d’ElRi dans son mix électrique. Avec comme dégât collatéral une dépendance croissante au gaz venu de Russie dans sa production d’électricité.
Les pièges
La part croissante du gaz dans la production de l’électricité en Europe, l’instauration de la taxe carbone et les tensions géopolitiques augmenteront son prix sur les marchés, et celui de l’électricité produite par des centrales à gaz.
De plus, l’Europe accroitra sa dépendance vis-à-vis des grands pays exportateurs de gaz, en particulier la Russie.
Par ailleurs, les limites géologiques à la production mondiale de gaz font prévoir son déclin vers 2050.
Enfin, sa combustion produit des suies, des oxydes d’azote et des particules fines responsables de maladies cardio-vasculaires et pulmonaires, ce qui ne plaide pas en sa faveur.
La France ne doit pas lâcher la proie pour l’ombre
Exceptés les six pays Européens qui émettent peu de CO2 pour leur production d’électricité (France, Norvège, Suède, Suisse, et Autriche) grâce à l’abondance de leur production d’électricité hydraulique et/ou nucléaire, et l’Islande qui utilise ses ressources hydrauliques et géothermiques exceptionnelles pour produire son électricité, tous les autres pays d’Europe sont assujettis aux combustibles fossiles. La Finlande rejoindra cependant bientôt le club de pays vertueux, grâce au développement chez elle du nucléaire, dont l’EPR d’Olkiluoto qui vient d’être mis en service est la pièce maîtresse.
Ces pays (dont l’Allemagne) ont cru pouvoir diminuer les émissions de CO2 de leur électricité avec des sources intermittentes de production.
Leurs dirigeants n’ont sans doute pas encore compris (ou ne veulent pas admettre) que des sources aléatoires et intermittentes d’électricité ne remplacent pas des productions pilotables qui s’adaptent à la demande puisque l’électricité ne peut pas se stocker au niveau des besoins d’une nation.
Suivre ce chemin pour la France en détruisant inconsidérément les avantages majeurs acquis grâce aux efforts des ingénieurs français sous l’impulsion du Général de Gaulle, ce serait lâcher la proie pour l’ombre. Ses émissions de CO2 (et sa consommation d’énergies fossiles) augmenteront considérablement en prenant des risques économiques, écologiques et géopolitiques considérables liés notamment à l’utilisation du gaz.
La raison prendra-t-elle enfin le dessus ?
Le stockage espéré de l’électricité qui permettrait de gérer l’intermittence de la production électrique de l’éolien et du solaire PV est malheureusement un leurre de plus.
L’électricité se stocke peu et difficilement : elle doit être transformée en une autre énergie (chimique, gravitation,…) avec des pertes, notamment via l’hydrogène (tant vanté ces derniers temps) dont le rendement énergétique du cycle stockage – déstockage n’est que de 25 % environ en situation industrielle.
L’Allemagne, comme les autres pays, est incapable de stocker l’électricité en quantités suffisantes pour ses besoins. Son projet est en réalité de remplacer le charbon et le nucléaire par du gaz venu de Russie pour assister son éolien et son solaire photovoltaïque, ce qui revient à pérenniser à un niveau élevé les émissions de CO2 de sa production d’électricité, et à se mettre sous le contrôle politique de la Russie.
Ce serait aussi le cas de la France si elle décidait de lâcher le nucléaire national pour le gaz algérien, norvégien ou… russe !
Est-ce bien ce que souhaitent les Français ?