L’énergie de la houle ? Une vague idée qui prend l’eau…
Par Michel Gay
Récupérer l’énergie des vagues (ou de la houle[1]) pour la transformer en électricité est une idée qui paraît séduisante.
Mais elle se révèle farfelue après étude (sauf pour quelques cas marginaux comme pour l’alimentation de balises en mer par exemple) car l’océan n’est pas si fréquemment « mauvais », même dans les régions redoutées de l’Atlantique et du Pacifique.
De l’énergie à revendre ?
Qui ne s’est pas extasié devant la puissance majestueuse de la mer en furie ? Chacun a pu contempler la débauche d’énergie des vagues qui déferlent sur nos côtes, notamment lors des tempêtes hivernales. Vouloir en récupérer une partie est un rêve apparu pour la première fois dans une revue scientifique en 1882.
Des actions isolées ont eu lieu dès 1973 et le programme anglais sur l'énergie des vagues a été officiellement lancé en 1976.
Quelques projets variés ont fleuri à coups de généreuses subventions qui ont englouti quelques dizaines de millions d’euros. Ils ont généralement « coulé » en silence.
Sur la mer calmée…
Les grandes « machines » houlomotrices de puissance supérieure à 100 kilowatts (kW) nécessitent une houle de 1,5 à 2 mètres de « hauteur » pour commencer à produire de l’électricité (plus d’une centaine de types ont été imaginés).
Produire au-delà des trois-quarts de leur pleine puissance nécessite des vagues de plus de 4 mètres de hauteur et jusqu’à plus de 6 mètres.
C’était le cas du « Pélamis » (750 kW de puissance), une sorte de serpent de mer qui a coûté 8,5 millions d’euros pour une puissance théorique de 750 kilowatts (kW). C’était à l’époque le projet le plus mature. En 2008, trois « Pélamis » avaient été mis en service au large du Portugal. Prévus pour durer 15 ans, ils ont duré 5 mois… avant de rentrer définitivement au port.
Les promoteurs des démonstrateurs sont généralement discrets sur les résultats obtenus. Les communiqués de presse et les articles sont dithyrambiques et triomphants lors des inaugurations en grande pompe, mais ils sont généralement… vagues et avares de chiffres significatifs concernant la production annuelle et le coût global de l’électricité produite.
Deux surprises !
Il y a une bonne raison à cette « discrétion » sur la production réelle, et elle est surprenante.
Première surprise : il y a rarement une houle « suffisante » sur notre côte atlantique ! Même en Bretagne, la mer est relativement calme une bonne partie de l’année !
Le relevé de l’état de la mer effectué par Météo France à l’île d’Yeu (Vendée) sur toute l’année 1999 peut être étendu à toute notre façade atlantique. La hauteur des vagues est inférieure à 1,5 mètre durant un tiers de l’année, et à moins de 2 mètres pendant la moitié du temps ! Elles sont donc trop petites pour les grandes machines houlomotrices et elles ne produisent rien, ou presque rien, la moitié de l’année…
Deuxième surprise : la mer est « suffisamment houleuse » (très forte à grosse sur l’échelle de Beaufort avec des vagues de plus de 4 mètres de haut) moins de 20 % du temps pour permettre l’utilisation d’au moins les trois-quarts de la puissance installée des grandes machines houlomotrices.
Production et coûts
Ainsi, le facteur de charge (l’équivalent du temps de production à pleine puissance sur une année) d’une machine houlomotrice est seulement d’environ 20 % sur la côte atlantique française, et de 25% en Écosse. A comparer avec un facteur de charge d’environ 80% pour les énergies conventionnelles et nucléaire.
De plus, tous les systèmes imaginés doivent être capables de résister aux plus fortes tempêtes (et parfois aussi aux grandes marées) ce qui les rend coûteux et impossibles à rentabiliser.
Par ailleurs, il faut aussi prendre en compte le coût total d’une production fatale et intermittente. Ce fonctionnement erratique exige l’ajout en complément d’autres moyens de productions souples (gaz et nucléaire ?) qui travailleront par « à-coups » (donc qui produiront plus cher) et/ ou de dispendieux stockages massifs d’électricité… encore inexistants.
Extraire l’énergie de la houle est une vague idée séduisante qui, hélas, a pris l’eau probablement pour toujours.
[1] Les termes « houle » et « vague » sont assimilés dans cet article pour plus de clarté, bien qu’ayant une signification différente.
Pour les hydrodynamiciens, la houle désigne un mouvement de fluide possédant certaines propriétés. C’est une onde progressive périodique dans le temps et dans l'espace.
Pour les marins, ce mot par opposition à la "mer du vent" désigne les états de mer présentant des vagues de grandes longueurs d'onde, qui se sont propagées sur une grande distance.