Energies renouvelables : le chant des si… règne
EnR : 8 incertitudes qui risquent de nous coûter très cher
Par Michel Gay
Vouloir fonder la stratégie nationale bas-carbone et la future programmation pluriannuelle de l’énergie essentiellement sur les énergies renouvelables (pilotables ou non) est une orientation insensée et ruineuse.
Le rapport "un mix électrique 100% renouvelable ?" de l'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie (ADEME), publié en octobre 2015, veut se donner un air de sérieux avec de beaux tableaux, des courbes colorées. Mais les hypothèses retenues sont pour le moins… osées, voire même farfelues !
Cette agence gouvernementale s'est évertuée à rendre plausible une production d'électricité en France principalement d’origine éolienne (63%) et photovoltaïque (17%).
En résumé, selon l’ADEME, la France pourrait se passer des énergies fossiles, et en même temps du nucléaire, avec huit « si » :
1) Si la consommation d'électricité annuelle diminuait jusqu'à 422 térawattheures (TWh[1]) en 2050 (en partant de 470 TWh en 2016), avec une population augmentée de 10% et des usages électriques nouveaux (transport électrique, chauffage par pompe à chaleur,…).
2) Si la demande d’électricité pouvait être largement pilotée à la baisse (report, effacement,…) en absence de vent et/ ou de soleil et en tablant sur des importations, ou bien, au contraire, "stimulée" sur ordre pour consommer beaucoup pendant les pics de production, lorsqu’il y a du soleil et du vent.
3) Si les pertes après stockages et déstockages des surplus étaient faibles.
Il y a seulement 45 TWh de pertes prévues alors qu'elles seront environ du triple (130 TWh), notamment à cause du mauvais rendement de la méthanation.
Or, la transformation d'électricité en méthane (pour stockage), puis de nouveau en électricité dans une centrale à gaz (appelé "power to power"), est le principal moyen de stockage / déstockage d'électricité choisi par l'ADEME qui a fixé son rendement à 33%.
En réalité, il est inférieur à 15% (transport de cette électricité jusqu'aux électrolyseurs (rendement 97%), production de l'hydrogène (70%), compression (80%), séparation et compression du CO2 (60%) et réaction de méthanation (70%).
Enfin, il faut transformer ce méthane dans une centrale à gaz (60% maximum).
Au résultat, le rendement final est de moins de 15% (13,7%).
De plus, aucune réalisation d'envergure n'existe dans ce domaine, et il y a toujours des pertes supplémentaires dans la réalité…
Pour récupérer les 19 TWh envisagés par l’ADEME, il faudrait donc y injecter au moins 125 TWh, et accepter de "perdre" (et donc de payer à perte) plus de 100 TWh d'électricité chaque année…
4) Si le stockage d'électricité à grande échelle pendant plusieurs semaines existait. Ce n'est pas le cas. Les barrages (10% de la production en France) ne sont pas ou peu extensibles. Le procédé de stockage massif, efficace et économique reste à inventer.
Le rapport prévoit que les Station de Transfert d'Energie par Pompage (STEP) restitueront une puissance de 7 gigawatts (GW) pendant 32 heures d'affilés.
Or, actuellement, seulement 2 GW peuvent être restitués pendant ce laps de temps (Grand'Maison et Montézic), et seulement 5 GW pendant 5 heures au maximum…
La capacité "d'absorption" maximale en stockage existante aujourd’hui n'est que de 4 GW et la capacité d'énergie stockable n'est que de 0,1 TWh.
Pour comparaison, le besoin de puissance en France varie de 30 GW à 90 GW et la consommation journalière varie autour de 1,3 TWh par jour (plus en hiver, moins en été).
5) Si on savait où installer ces moyens de stockages.
Faudra-t-il construire de nouveaux barrages et noyer des vallées, ou creuser des milliers de lacs sur nos falaises le long des côtes ?
Où seront les sites propices (par exemple des cavernes) pour stocker de l'énergie en comprimant de l'air (deuxième moyen de stockage prévu) ? Ce rapport prévoit de restituer une puissance de 13 GW et une quantité de 13 TWh d'électricité annuelle.
6) Si on savait où trouver du CO2 concentré "gratuitement" près des usines de méthanation car le coût du CO2 n'est pas pris en compte dans l'étude.
7) Si les coûts du stockage n'étaient pas outrageusement minimisés en étant au moins divisés par deux.
Ils ne tiennent en effet pas compte des investissements dans les électrolyseurs dont il est prévu d'installer une puissance de 17 GW pour fournir l'hydrogène nécessaire à la production de méthane.
Les projections de coûts pour les stockages court terme sont assimilées à la filière des compressions d'air (CAES : Compressed Air Energy Storage) dont le rendement global est de 50% et non de 81% comme l'indique ce rapport.
Il faudrait donc injecter au moins 26 TWh pour récupérer les 13 TWh prévus.
8) Si des batteries (évoquées dans le rapport) sont utilisées, alors… ne sont abordés ni le coût d'utilisation de ce moyen très onéreux, ni les énormes quantités de batteries (plus de 10.000 tonnes ?) pour absorber ou restituer 6 GW de puissance.
Enfin, et surtout, il faudrait jusqu’à 6 kWh d'électricité à 12 c€/kWh (sans les taxes selon l'ADEME) pour retrouver, après déstockage, un kWh… très cher. Il faudra accepter de multiplier le prix par 6 (plus de 72 c€/kWh), sans compter l'amortissement des installations….
Le prix de vente à la production de l'électricité sur le marché est aujourd'hui autour de 4 c€/kWh…et de 15 c€/kWh pour les particuliers avec les taxes et le transport à domicile.
Si, si, si… Le chant des "si" règne pour alimenter la France avec une forte proportion d’énergies renouvelables intermittentes et fatales comme les éoliennes et les panneaux photovoltaïques. Et il est bien connu qu’avec des « si » on mettrait Paris en bouteille.
Mais si les Français veulent hypothéquer leur avenir et celui de leurs enfants en faisant tous ces paris insensés, libre à eux d'être charmés par le chant fatal des si…(rènes) de l'ADEME. Mais nos politiques seraient bien inspirés de ne pas de croire béatement que tout va se résoudre comme par enchantement dans le meilleur des mondes en succombant aux chants des "si"….
[1] Un TWh = un milliard de kilowattheures.