Électricité : la trahison des élites
Adaptation par Michel Gay De l’interview de Bernard Durand et Jean-Pierre Riou dans « European Scientist »
Les intellectuels et les « élites » ont trahi leur mission de défendre la justice et la raison au nom d’une idéologie antidémocratique et d’intérêts personnels.
Électricité « variable »
En Europe, ces élites (les autorités publiques et les élus) accumulent les mensonges pour imposer au forceps par des lois et décrets le développement d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques (PV) inutiles et même nuisibles à cause de leur intermittence et de leur coût.
Et cela dans un but électoral et pour le profit financier de quelques-uns au détriment des citoyens et de l’économie.
L’électricité n’est qu’une des formes des énergies utilisées. L’intermittence non-pilotable des électricités éolienne et photovoltaïque est appelée parfois « variabilité »… fatale.
Il leur est donc impossible de faire du « suivi de charge », c’est-à-dire d’ajuster leur production à la consommation d’électricité en temps réel, condition indispensable à la stabilité du réseau électrique.
Ces électricités sont par conséquent inutilisables et sans valeur en tant que telles. Il faut les associer en permanence soit à des centrales pilotables, soit à des stockages, qui permettent de faire des ajustements pour assurer l’équilibre du système électrique.
Les stockages actuels n’ayant pas les capacités suffisantes (et pour longtemps), des centrales pilotables sont utilisées. Elles sont principalement à combustibles fossiles (charbon et gaz) en Allemagne, et nucléaires en France.
L’absence de toute production garantie de ces moyens intermittents oblige le système électrique européen à conserver l’intégralité des moyens pilotables, comme le montrent les chiffres de leur évolution alors que l’éolien et le photovoltaïque se développent depuis maintenant 25 ans.
Les conséquences
Cette intermittence impose une restructuration profonde (et coûteuse) du réseau électrique pour permettre de refouler les importantes productions inutiles locales… dès que le vent souffle ou que le soleil brille.
Il en résulte une série de « maux » :
- un prix de l’électricité plus élevé pour le consommateur, une faible efficacité pour faire baisser les émissions de CO2 de la production d’électricité, notamment en France où l’électricité est déjà décarbonée à 90% uniquement avec le nucléaire et l’hydroélectricité,
- l’impossibilité de se passer des centrales pilotables (nucléaire, hydraulique et gaz en France), dont toute la puissance doit être conservée pour faire face aux périodes sans vent et sans soleil (nuit, hiver, ou ciel nuageux),
- l’impossibilité de contribuer à la sécurité électrique de l’Europe.
De plus, leur impact écologique est désastreux : les éoliennes et PV ont une faible productivité par unité de surface occupée. Ces sources d’électricité sont donc beaucoup plus destructrices des espaces naturels et productrices de déchets (y compris toxiques) pour une même quantité d’électricité produite : 100 à 1000 fois plus de surface occupée et 10 à 15 fois plus de déchets que les centrales nucléaires… pour une électricité inutilisable en tant que telle !
Le Green Deal européen
La politique énergétique européenne, et notamment son « Green Deal », est profondément hypocrite et malhonnête car elle consiste à fixer des moyens (inappropriés) au lieu de fixer des objectifs par habitant, particulièrement en ce qui concerne l’électricité, en laissant le choix des moyens aux pays-membres.
Elle affirme de manière absurde qu’elle fixe des proportions d’électricité renouvelable (notamment éolienne et solaire PV) à atteindre à des horizons temporels déterminés pour faire face à l’urgence climatique. Il faudrait d’abord fixer un objectif quantitatif d’émissions de CO2 par kWh produit, le même pour tous les Etats-membres, en laissant à ceux-ci toute la liberté des moyens pour atteindre ces objectifs.
Elle pénalise ainsi les pays dont la production électrique émet peu de CO2, comme la France, au bénéfice de pays producteurs de ces moyens où ces émissions sont fortes, comme l’Allemagne... ou la Chine.
Cette étrange partialité laisse penser que la Commission et le Parlement européens sont très perméables à l’influence de l’Allemagne mais aussi à celles du lobby de l’éolien et de celui des combustibles fossiles, en particulier celui du gaz.
Quelles solutions
L’impossibilité de stocker l’électricité à grande échelle pour un coût acceptable par la collectivité conduit l’Allemagne à augmenter la puissance de ses centrales à gaz de secours, avec l’espoir de réduire sa dépendance à la Russie grâce à la production de gaz vert.
France Stratégie rappelait récemment « Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut cesser de recourir au gaz d’origine fossile. Et parce qu’on ne peut attendre pour agir de savoir si le pari du gaz renouvelable sera gagné, il faut chercher dès maintenant à restreindre l’usage du gaz en misant sur d’autres énergies décarbonées, électricité et biomasse en tête ».
L’Allemagne est condamnée à faire ce pari pour prolonger sa fuite en avant vers toujours plus d’intermittence. Et son objectif de mix électrique à horizon 2050 est supposé émettre plus de 100 millions de tonnes de CO2 par an, soit 5 fois plus que le mix français d’aujourd’hui !
Les types de stockage actuel, y compris l’hydrogène, sont incapables de remplacer les centrales pilotables dans leur rôle actuel de régulateur de l’intermittence au niveau national.
Le stockage massif d’électricité, c’est l’Arlésienne depuis un siècle.
La France modèle énergétique ?
L’électricité décarbonée d’origine nucléaire permettrait de grandement décarboner les secteurs comme le chauffage ou les transports. La France est un modèle en matière climatique grâce à un mix de production décarboné à plus de 90% depuis 1995 grâce à son parc électronucléaire et à ses barrages hydrauliques.
La Norvège, la Suède et la Suisse ont les plus faibles émissions de CO2 par kWh d’électricité produite. Ces pays doivent ce résultat à un avantage naturel absent dans les autres pays européens : une production d’hydroélectricité élevée par habitant qui atteint 100% en Norvège. La Suède et la Suisse complètent par une importante production nucléaire.
Une politique énergétique préservant le mieux l’avenir serait celle qui diminuerait autant que possible le recours aux combustibles fossiles pour moins émettre de CO2. Elle permettrait aussi de se prémunir contre une crise de l’approvisionnement, en particulier en pétrole, toujours indispensable aux transports, et principal déterminant de l’activité économique.
Quelle politique énergétique pour l’UE ?
L’énergie nucléaire est indispensable à la politique climatique de l’Europe. C’est la seule énergie pilotable (avec l’hydraulique dont hélas les ressources sont limitées) qui n’émet pas de CO2.
Même en Allemagne, le nucléaire revient sur le devant de la scène par une volte-face de certains écologistes qui réalisent qu’il n’y a guère d’alternative pour une sortie rapide du charbon.
Mais la Commission européenne à Bruxelles contribue à la « trahison des élites » en refusant d’encourager la production décarbonée d’électricité nucléaire. Des luttes d’influence en son sein visent à empêcher la France de continuer à bénéficier d’un avantage compétitif sur ses voisins, notamment l’Allemagne qui manœuvre activement en coulisse pour défendre ses intérêts au détriment de la France.